Propos recueillis par Nimatou Sabi Worogo
Depuis que le Bénin existe, la chambre des comptes n’a publié ses rapports qu’une seule fois alors que la loi prévoit qu’elle publie lesdits rapports sur la gestion financière de l’Etat pour l’exercice de l’année précédente. Cette limite est symptomatique des limites de la chambre et qui ne favorise pas la reddition des comptes et la transparence dans la gestion des deniers publics. Maxime Bruno Akakpo ancien Président de la chambre des comptes de la Cour Suprême martèle que la chambre des comptes ne sera efficace que quand elle deviendra une Cour des Comptes autonome consacrée par une révision de la constitution.
Deeman Radio: La chambre des comptes, logée à la cour Suprême a pour mission d’auditer les finances publiques. Comment s’effectue cette mission ?
Maxime AKAKPO : Il faut dire que les missions de la chambre des comptes, donc de la juridiction financière qui est la chambre des comptes, on peut les énumérer en terme du contrôle de l’exécution du budget, ensuite il y a ce que nous appelons l’apurement des comptes publics. C’est à dire, le contrôle de la régularité des opérations décrites par les comptables publics dont le receveur percepteur au niveau des communes. Ensuite, il y a ce qu’on appelle le contrôle du bon emploi des fonds publics qui est l’audit. C’est à dire qu’on regarde si les gestionnaires ont fait preuve d’économie, d’efficacité et d’efficience dans l’utilisation des deniers que les citoyens, de par leurs contributions, ont eu à mettre à la disposition des pouvoirs publics. Il y a enfin, pour rester dans le domaine des missions classiques d’un juge de compte, la sanction des fautes de gestion. Et les fautes de gestion, c’est une mission d’apparition assez récente, c’est pour justement faire punir par le juge des comptes, les ordonnateurs, les fonctionnaires et tous ceux qui utilisent les fonds publics lorsqu’ils s’écartent de la règle. C’est une mission qui permet surtout au juge des comptes d’intervenir surtout dans le domaine de la lutte contre la corruption. Parce qu’il est dit clairement dans le cadre de cette mission que « quiconque aura procuré à lui-même où à autrui, directement où indirectement des avantages indues, est sanctionné par le juge des comptes dans le cadre de ces missions. Donc toutes ces missions sont confié à la chambre des comptes de la cour suprême du Bénin.
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La chambre des comptes devrait publier chaque année les rapports sur la gestion publique de l’exercice précédent, mais on constate que cela ne se fait pas. Qu’est ce qui peut expliquer ce fait ?
Oui, la non publication des rapports publics par les juges des comptes du Bénin, rentre dans le cadre global de la non exécution des missions du juge des comptes béninois. Le juge des comptes béninois ou plus précisément la chambre des comptes n’a pas été mise en état institutionnel, c’est-à-dire de par les textes, en l’état, vu côté moyen matériel et surtout ressources humaines de qualité pour pouvoir faire le travail qui est attendu de lui. Donc la non publication de ces rapports c’est le résultat tout simplement de l’activité très très limité du juge des comptes par rapport à tout ce que les lois lui confient.
Pareil aussi pour les comptes de campagne des candidats aux élections. Les rapports ne parviennent pas souvent aux citoyens.
Oui je n’ai pas cité les deux autres attributions du juge des comptes qui sont effectivement, la vérification des dépenses de campagne électorale et la déclaration de patrimoine qui sont des missions qu’on ne trouve pas dans les juridictions classiques mais que le législateur béninois a eu à confier aux juges des comptes béninois. Ces rapports sont édités, élaborés tout le temps, toujours après chaque élection. Et la loi dit que les rapports sont adressés au procureur pour engager les poursuites contre ceux qui auraient fait des dépassements, des irrégularités données. C’est des rapports qui étaient édités effectivement et qui sont disponibles au niveau de la chambre des comptes, c’est publié. J’ignore la situation actuelle puisque je suis sorti de fonction depuis un moment.
Lorsque la chambre des comptes remarque un problème de gestion ou un dépassement des comptes de campagne électorale, que prévoit la loi?
La loi prévoit la saisie des tribunaux via le procureur. Là, ce n’est pas la chambre des comptes qui sanctionne directement les acteurs politiques. Les sanctions sont établies au niveau des tribunaux, ça peut aller des amendes, jusqu’à des inéligibilités.
Depuis 2002, l’UEMOA a fait une recommandation à ses États membres de transformer les chambres des comptes en cour des comptes. Au Bénin, cela ne s’est pas fait à cause de la réticence à réviser la constitution. Les pays qui ont installé leur cour ont-ils réellement amélioré leur gestion des finances publiques ?
Ah oui, vous abordez là un thème très important. D’abord, le fétichisme que nous entretenons sur la constitution a fait que les tentatives ont échoué. L’ancien Chef de l’État, le Président Kérékou, voulait et avait même rédigé des textes pour faire l’amendement de la constitution pour la création de la cour des comptes, et les autres qui ont suivi aussi, mais ça n’a pas prospéré, même l’initiative parlementaire n’a pas prospéré. Les pays qui ont, à la suite de la décision de l’UEMOA, décidé de faire créer les cours de compte, d’autonomiser les cours de comptes, l’ont fait avec des fortunes diverses. Je fais remarquer que le Sénégal dès l’année 2000 avait pu créer sa cour des comptes et a mis en place la corporation des magistrats financiers à proprement parler, c’est-à-dire que pour adhérer à la cour des comptes on choisit les meilleurs. On passe des concours et ces personnes sont intégrées à la magistrature financière et évolue dans la magistrature financière parce que le travail du juge des comptes, comme le travail de l’expert comptable, est un travail qui a besoin de beaucoup d’expériences. On ne devient pas bon juge des comptes en deux, trois quatre, cinq ans, il faut vraiment être dans la matière, avoir déjà la maîtrise de base, être au contact des comptes et puis c’est les aînés qui vous forment à devenir un très bon juge des comptes par la suite de plusieurs années d’expériences. Alors le Sénégal a procédé comme ça. Mais les autres pays de l’UEMOA qui ont créé leur cour de comptes n’ont pas fait ça, ils n’ont pas mis en place la corporation, c’est-à-dire la magistrature financière et cela explique que les résultats qui sont attendus, la mise en oeuvre des activités du juge des comptes, ont du plomb dans ces pays qui, en définitive parfois, n’ont fait que changer le nom de leur chambre des comptes en cour des comptes. Mais le Bénin depuis les années 2000 a mis en place une équipe qui a travaillé sur comment il faut faire pour avoir les meilleurs textes pour un fonctionnement efficace du juge des comptes béninois de la juridiction financière, de la cour des comptes béninoise et ces textes existent, mais malheureusement c’est le problème de leur consécration en tant que texte de droit politique qui s’est posé à nous, surtout par refus de la révision de la constitution pour la création de la cour des comptes.
Merci Monsieur Maxime AKAKPO.